Comment les écoles d’ingénieurs évoluent
Face au manque de motivation des étudiants de rejoindre les cursus agroalimentaires, les écoles d’ingénieurs développent des solutions pour tenter de les séduire et répondre aux besoins du marché de l’emploi.
C’est un fait, la crise des vocations pour certains métiers de l’agroalimentaire se manifeste de plus en plus tôt. « Sortis des classes prépas, les étudiants ne connaissent pas bien l’agroalimentaire. En majorité, ils choisissent l’agronomie en première année car plus proche de leurs études. Depuis dix ans, le déséquilibre s’accentue », reconnaît Guido Rychen, directeur de l’École nationale supérieure en agronomie et industries alimentaires (ENSAIA) de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Les formations spécialisées dans les process et la qualité alimentaire n’ont plus la côte. Et pourtant, les besoins de bras sont grands dans ces domaines. Une opinion partagée du côté de Beauvais (Oise). « Beaucoup d’étudiants sont attirés par la recherche et la formulation, mais les débouchés sont plus étroites qu’en production et qualité, où la demande des entreprises est forte », souligne François-Xavier de Luca, directeur de formation agroalimentaire et santé à UniLaSalle.
Se sentir utile
À la sortie des écoles, les étudiants qui choisissent un métier dans l’agroalimentaire sont moins nombreux aujourd’hui. Sur les dernières promotions d’AgroParisTech (2019, 2020 et 2021), seulement 13 % des diplômés en moyenne ont pris un emploi dans le secteur contre 20 % entre 2007 et 2009. « Les grandes entreprises du conseil et l’industrie pharmaceutique proposent des salaires plus attractifs en moyenne que l’agroalimentaire Mais ce n’est pas le seul critère qui guide les diplômés. Beaucoup aspirent aussi à se sentir plus utiles face aux enjeux de transition alimentaire et du réchauffement climatique », estime Fabienne Maroille, responsable de l’observatoire de l’emploi à AgroParisTech.
Pourtant, les écoles fournissent des efforts pour attirer vers les cursus autour de l’alimentation. « Nous développons les visites en entreprises pour permettre de découvrir les métiers et montrer aux étudiants qu’ils peuvent aussi répondre à des enjeux d’innovation et de développement durable », souligne Emilie Lebrasseur, directrice de la formation à AgroParisTech. À Nancy, pour compenser le manque d’étudiants dans les formations sur l’agroalimentaire, les admis sur titre, qui arrivent en deuxième année après un parcours universitaire, « ne peuvent plus opter pour l’agronomie », souligne Guido Rychen, directeur de l’ENSAIA.
La voie de l’apprentissage
Les écoles développent aussi des formations d’ingénierie par apprentissage. Une solutions gagnant-gagnant pour les entreprises et les étudiants. « C’est une formule de plus en plus prisée. Les entreprises sont aidées financièrement par l’État et les étudiants disposent d’un petit salaire durant leur cycle. On oriente beaucoup les étudiants vers la production car on y trouve davantage de possibilités qu’en R&D. Le nombre d’étudiants en alternance a doublé depuis quatre ans », souligne Stéphanie Regnault, directrice du collège agroalimentaire et bioprocédés d’UniLaSalle.
Pour répondre aux attentes des étudiants de se sentir davantage utiles face aux enjeux alimentaires et climatiques, AgroParisTech a créé depuis 2014 un parcours entreprenariat en troisième année qui accueille des projets innovants et qui remporte un succès de plus en plus grand. « Cela permet aux étudiants de porter leurs valeurs dans leur propre projet », souligne Émilie Lebrasseur à AgroParisTech. L’école basée à Saclay (Essonne) a lancé aussi depuis peu une réflexion pour réformer son cursus ingénieur. Objectif : mieux répondre aux enjeux et besoins actuels. La dernière grande réforme datait d’il y a dix ans.
Adrien Cahuzac