S’adapter pour séduire les candidats
Les industriels changent de posture pour répondre aux attentes des candidats. Ils privilégient le confort de vie, l’authenticité et assouplissent les organisations. Des efforts qui paient.
Conducteurs de lignes, techniciens de maintenance, ingénieur de production, commerciaux, informaticiens... la liste des postes à pourvoir dans les entreprises de l’agroalimentaire n’en finit pas de s’allonger. Les conditions de travail parfois difficiles rebutent les candidats. Résultat, certaines usines n’ouvrent pas la totalité de leurs lignes de production ou retardent des lancements, faute de personnel suffisant. « L’industrie agroalimentaire souffre d’un manque d’attractivité, souvent par manque de communication aurpès des jeunes. 70 % des étudiants en formation en écoles d’ingénieurs agri / agro ne souhaitent pas aller dans l’industrie agroalimentaire (lire l'article "Comment les écoles d'ingénieurs évoluent") », rappelle Cécile Boulaire, directrice du cabinet Manageria. Le secteur souffre aussi de préjugés tenaces. « On parle d’un manque de transparence, alors que les entreprises n’ont jamais autant ouvert leurs portes que ces dernières années. Les salaires sont réputés n’être pas forcément à la hauteur des attentes, alors que le secteur est celui qui a fait le plus progresser les salaires, ces dernières années, des opérateurs et des chefs d’équipe », poursuit-elle.
Confort de vie
Le manque d’intérêt trouve aussi d’autres origines. Les jeunes choisissent de plus en plus leur entreprise en fonction de l’organisation du travail, la rémunération n'étant plus le premier argument. « Les nouvelles générations sont beaucoup plus attentives à leur vie de famille et à leur confort de vie. Nous devons proposer des emplois avec un bon équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle », estime Patrick Pawalk, directeur de Materne Industries. Mais pas facile pour des usines situées le plus souvent à la campagne.
Quels conseils, donc, appliquer pour attirer les candidats ? Même s'il n'y a pas de solution miracle, certaines actions donnent des résultats. Pour la maintenance notamment, où la concurrence est rude avec d'autres secteurs comme l'aéronautique, les industriels doivent s'adapter aux souhaits des candidats et non plus l'inverse. « Nous ne sommes plus en position de force aujourd'hui. Les recruteurs doivent le comprendre. Il faut se demander ce qui pourrait faire que le candidat vienne plutôt chez nous », reconnaît Marine Gatignon, directrice opérationnelle et RH de Marie Morin.
Privilégier le contact humain
Le contact humain et personnalisé est à privilégier pour connaître le projet du candidat. « Aujourd'hui, il faut se demander comment on peut s'adapter au profil du candidat et l'intégrer dans le projet. Cela nécessite une plus grande souplesse et une adaptabilité de l'entreprise. On ne doit plus faire l'organisation autour d'organigrammes figés », insiste Marie Kieffer, déléguée générale de l’ABEA.
Les recrutements à rallonge sont également à proscrire, sous peine de perdre des candidats en route. « On peut passer par des partenaires de l'emploi pour nous aider, mais il ne faut pas déserter le recrutement direct. Notre objectif est d'être au contact le plus près possible de notre futur candidat et de réduire le nombre d'interlocuteurs à rencontrer », ajoute Fabienne Noailly, directrice développement RH d’Agromousquetaires.
Être authentique
Pour séduire le candidat, il est également important de rester authentique. « Il ne faut pas mentir entre les promesses lors de l'entretien et ce que le candidat va trouver une fois sur place. Le risque est de perdre du temps et que le candidat ne reste pas », estime Maurine Gatignon.
Faut-il pour autant revoir ses critères de recrutement à la baisse pour être sûr d'embaucher ? Certaines entreprises comme Bridor (Lire l'article "La Bretagne s'active sur le front de l'emploi"), Episens et Agromousquetaires s'appuient sur leur propre campus de formation pour accompagner des personnes qui n'ont pas les compétences techniques recherchées. Cependant, pour les autres, c'est moins évident. « Si on peut anticiper un départ ou quand on sait que l'on va créer un poste, on peut se donner le temps pour chercher le profil idéal auquel on a rêvé », conseille Cécile Boulaire. Toutefois, les entreprises souffrent de plus en plus d'un manque de temps pour anticiper les besoins. « On est souvent dans un recrutement d'urgence. Dans ces cas-là, il faut être ouvert. Il faut avancer avec des gens qui ont une proximité de valeurs et humaines fortes.C'est plus difficile de former quelqu'un sur des valeurs que sur des compétences techniques », poursuit la directrice de Manageria.
Accueillir des mineurs
Afin d'élargir aussi le cadre de recrutement, il ne faut pas avoir peur de faire appel aux plus jeunes. « Face à la problématique de la maintenance, on ne peut pas se dire que l'on a besoin de personnes et ne pas faire appel à des jeunes opérationnels sortant de bac pro, juste parce qu'ils sont mineurs. Il y a un travail à faire des DRH sur ce sujet », insiste Marie Kieffer. Entre les besoins très précis des opérationnels et la vision des ressources humaines, il y a parfois un chemin à parcourir pour se retrouver sur les mêmes critères.
Adrien Cahuzac